You are currently viewing Comment la génétique participe à la préservation des requins ?
Photo : Arthur ORY / pixabay

Comment la génétique participe à la préservation des requins ?

Comment la génétique participe à la protection des requins ?

Vous le savez peut-être déjà, mais les requins sont, parmi les espèces visées ou non par la pêche, l’une des familles les plus sensibles aux prises accessoires. En effet, le nombre exact de requins péchés par an, de façon volontaire ou non, reste inconnu car très difficilement estimable. La fourchette, familièrement donnée, nous dit qu’il y aurait entre 60 et 300 millions d’individus péchés par an (grosse fourchette).

La Convention sur le commerce international des espèces de faunes et de flore menacées d’extinction (CITES), a inscrit 12 espèces de requins sur son annexe II. Vous trouverez entre autres sur cette liste, Le grand requin blanc (Carcharodon carcharias)(2004), Le requin baleine (Rhincodon typus)(2001) ou encore Le requin taupe commun (Lamna nasus)(2013). Toutes les espèces présentent sur cette liste sont au moins vulnérable (VU), mais pas protégées. En effet, il est difficile de protéger des espèces qui peuvent venir mordre à une palangre ou se prendre dans un filet par accident.

Ces espèces peuvent donc toujours être déportées à quai, mais elles doivent être déclarées comme prises accessoires. Seulement, lors de grandes exportations, si les requins ont été épluchés, il sera difficile de les identifier, excepté certaines parties comme les ailerons ou les mâchoires. 

Et dans ce cas, la génétique pourra révéler la présence de ces espèces, si elles se trouvent dans ces grandes exportations. 

Mais j'y connais pas grand chose en génétique...

C’est là qu’un petit cours s’impose. L’ADN qui est présent dans le noyau de chacune des cellules qui composent notre corps et celui de tous les êtres vivants (on oubliera quelques exceptions comme les procaryotes qui n’ont pas de noyaux), est un code qui permet de synthétiser, entre autres, les protéines nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme. Ce code, via différentes études passées, est connue pour toutes les espèces qui composent cette fameuse annexe II (trouvable sur NCBI – datasets). Entre chaque individu d’une même espèce, certaines variations (de très faibles pourcentages là aussi variables) seront observées dans l’ADN, c’est ce qui caractérise le fait que chaque individu est unique. Cependant, certaines portions de cet ADN sont stables et reconnaissables pour chaque espèce. Et c’est cette caractéristique qui sera exploitée pour identifier nos fameuses espèces dans les exportations de pêche. Le problème étant qu’il n’y a que 24h pour vérifier l’export. Une fois ce délai passé, inspecté ou non, la cargaison est exportée.

Alors comment ça marche ?

Pour identifier la présence de ces requins dans les exportations, il a été décidé d’utiliser la technique de rtPCR (pour real-time Polymerase chain reaction). À peu de chose près, c’est le même principe que la fameuse PCR dont vous avez, comme moi, beaucoup entendu parler ces derniers temps. Pour faire simple, l’ADN chez les chordés que nous sommes avec, par exemple, tous les poissons (actinoptérygiens) et tous les requins (chondrichtiens), est composé de deux brins complémentaires. L’idée est d’utiliser une sonde, c’est-à-dire une portion stable et représentative de l’ADN que l’ont recherche. Cette sonde, si elle rencontre sont brin complémentaire, démarrera une reaction en chaine (d’où le polymerase chain reaction), qui émettra une fluorescence. Si l’opérateur, après injection de la sonde, observe une réaction fluorescente, il saura qu’il y dans le tissu échantillonné, de l’ADN d’un des requins présent sur l’annexe II.

L’espèce pourra ensuite être identifiée via un autre processus basé sur les courbes de fusions (pas très important ici).

Crédit: Arthur ORY

Merci la génétique !

En effet, cette technique permet de tester environ 95 échantillons en 4 heures. Ce qui est incomparablement plus efficace que si l’ont utilisait une technique de PCR « normal ».

Dans la pratique, une fois sur le terrain à Hong Kong, la majorité des échantillons testés positifs , se sont avérés être du requin peau bleu (Prionace glauca) à 92,9%. Le requin peau bleu (Prionace glauca) ne fait pas partie de l’annexe II, mais demeure l’un des requins les plus péchés, comme en témoigne ce pourcentage d’identification.

Cette technique permet une inspection rapide des exportations de pêche. Sans empêcher la capture des animaux, elle permet de limiter les fraudes dans les exportations et contribue à la récolte de données sur la pêche, qui, à terme, peuvent permettre de pratiquer une pêche plus responsable et plus durable.

Sources

Multiplex real-time PCR assay to detect illegal trade of CITES-listed shark species

https://www.nature.com/articles/s41598-018-34663-6

Arthur Ory

Âgé de 20 ans, je suis passionné par la mer et par les requins depuis l'enfance. Je plonge en apnée depuis l'âge de 6 ans et je suis niveau 2 en bouteille. Excepté cela, je suis bénévole dans l'association Des Requins et Des Hommes et je suis en deuxième année de licence de biologie.

Laisser un commentaire